Le péril jaune

Samedi 17 novembre est un jour risqué pour les déplacements, en raison de l'annonce des gilets jaunes de bloquer le trafic et protester contre la hausse des impôts sur les carburants.

G emprunte la douane de Moillesulaz, car il craint un blocage au giratoire de la sortie 15 de l'autoroute et le voyage jusqu'aux Bragades se déroule finalement sans encombre. Il fait encore nuit et l'air est frais. G est tout seul pour la matinée, car R doit encore répéter avec la chorale de la Prêle des pièces de Charpentier (le compositeur, donc) pour le concert du lendemain. Il dépose d'abord tout le matériel qui manquait, à savoir un câble électrique pour la cuisinière, des brides, de la filasse pour les robinets d'arrêt. Par la fenêtre, il voit qu'Élégance profite de la boue pour se refaire une petite toilette et surtout que tout le talus a bien été débroussaillé.

Comment occuper ses mains pendant la matinée? R lui a proposé de poser toutes les charnières sur les meubles. C'est une opération que G pensait compliquée mais qui est en réalité très simple, puisque la charnière se clipse simplement dans son logement. Une fois cette tâche menée à terme, il décide de passer une nouvelle couche de plâtre sur le panneau de placo qui avait été enlevé puis remis pour faire passer la tuyauterie de prise d'air pour l'évacuation des toilettes. En raison de l'eau froide cependant, le plâtre est très grumeleux et la première couche est horrible. Il décide alors de tout jeter et de recommencer avec un autre sac de plâtre plus récent et surtout en employant de l'eau chaude, fournie gracieusement par la Nespresso. La solution est efficace, car l'amalgame est d'une belle onctuosité qui se pose agréablement sur le placo. L'heure tourne et il est déjà 11h15. Or, il s'était également engagé à faire un saut à la déchèterie. Heureusement, la remorque est déjà chargée et il suffit juste d'arrimer les déchets avec des sangles. Arrivé au giratoire de la sortie de Bonneville en direction d'Ayze, un petit bouchon s'est formé. Ils sont là! Les gilets jaunes occupent l'entrée dans le giratoire avec des palettes et font passer les automobilistes au compte-goutte. Heureusement, l'attente n'est pas très longue et il parvient à la déchèterie juste à temps pour décharger. Sur le chemin du retour, les policiers sont arrivés sur place et semblent négocier avec les gilets jaunes.

A la radio, on signale déjà un mort dans le département voisin de Savoie, où une automobiliste a écrasé un gilet jaune après avoir paniqué, selon ses propres dires. C'est quand même le comble que le chasuble conçu pour protéger les piétons sur les routes soit finalement à l'origine de l'accident.

De retour aux Bragades, il déjeune sur le pouce, puis s'en va ratisser le talus, avec l'espoir d'y planter quelques graines de fleurs de prairie. Mais le travail de ratissage est éreintant et après une heure de travail, à peine s'il a pu couvrir un cinquième du talus. Heureusement, c'est à ce moment qu'il entend R l'appeler, ce qui lui permet de cesser cette tâche plutôt ingrate.

R raconte sa chance relative de n'avoir subi qu'un léger retard à la sortie 15. "Faire chier les automobilistes pour défendre les automobilistes!" s'esclaffe-t-il, et cela semble effectivement légèrement paradoxal. Le côté amusant de l'histoire, c'est l'attachement des gilets jaunes aux carrefours giratoires, dont plusieurs billets de ce blog ont déjà évoqué l'importance culturelle et symbolique en France. Et Jacline Mouraud, égérie du mouvement des gilets jaunes, de mettre les ronds-points sur les i : "On ne va pas rester indéfiniment sur des ronds-points car on finit par tourner en rond".

Mais trêve des plaisanteries, il faut récupérer le temps perdu. Cela commence par le constat qu'une partie de leur précieux temps a déjà été perdue lorsque tous les caissons ont été montés, sans avoir anticipé le montage spécial que requiert celui de la hotte aspirante. Il faut donc entièrement le re-démonter et le remonter selon les instructions de la hotte. "Fais gaffe, parce que le démontage des meubles Ikea, c'est jamais top." avertit encore R. Alors G sort délicatement toutes les têtes de clous avant de les tenailler, procède à un soigneux dévissage et les éléments sont posés devant lui simplement comme s'ils sortaient de l'usine. Il faut ensuite scier la paroi de derrière pour faire passer la hotte ainsi que prévoir un trou pour la cheminée. G redouble de concentration et de vigilance pour s'assurer de ne pas faire d'erreur, et passe beaucoup de temps à réassembler le caisson. Pendant ce temps R a scié le plan de travail en bois massif pour l'évier et les plaques de cuisson. "Le bout de plan extrait pour l'évier a exactement la largeur de la fenêtre!" s'exclame-t-il. C'est effectivement une excellente nouvelle, car les déchets dans la longueur des deux plans de travail s'étaient avérés trop courts, ce qui avait donné naissance à un sacré dilemme pour faire la tablette dans la continuation du plan de travail sous la fenêtre.

R installe aussi tous les robinets d'arrêt et propose de faire un essai. Il descend à la cave pendant que G attend ses instructions par téléphone. Les trois robinets sont ouverts et une grande purge d'air sort de ces derniers. Seul celui du lave-vaisselle laisse couler un petit filet d'eau à l'arrêt. Alors, il est vigoureusement resserré jusqu'à ce que plus aucune goutte ne passe.

Avant de remettre les caissons du haut, ils fixent le rail qui épouse la forme du mur et qui n'est donc pas tout à fait droit. La torsion subie par le rail fait basculer de quelques centimètres certains caissons à l'avant. Un tablettage du rail est donc réalisé pour le rendre parfaitement droit. Tous les caissons sont ensuite montés, rendus solidaires avec des vis, et équipés de leurs battants.

Enfin, ils peuvent s'attaquer à la pose de l'évier. Avant de fixer définitivement le plan de travail avec des vis, l'évier est posé dans son logement et testé. Il rentre parfaitement après avoir raboté quelques côtés. Il en est de même avec les plaques de cuisson.

Il se fait tard mais G s'empresse de décapsuler deux bières qu'ils savourent en contemplant leur ouvrage. La suite devrait aller beaucoup plus vite et R prédit que la cuisine sera terminée la semaine suivante.

Le lendemain, G et N assistent à une magnifique prestation du choeur de la Prêle dans le temple de Genthod, sous les vivats du public.

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