Demolition Man

R est en route pour le sud et manque furieusement pour l'activité de rénovation des Bragades.... Mais son esprit est là. G a reçu des photos de son périple et, malgré quelques douleurs aux épaules dues à un excès de bagages de deux kilos, le randonneur avale les kilomètres en descente et en montée. Heureusement G n'est pas abandonné à lui-même. Si A le jeune Bosniaque fait faux-bond au motif de vacances, son compatriote E, en pleine force de l'âge, se propose de donner un coup de main. Il y a certainement de la رحمة mâtinée de زكاة الفطر qui conduit l'ami bosniaque à revenir aux Bragades, car il est sacrément mal fichu après avoir passé la veille à aider sa nièce à déménager.

G passe à 8h30 pêcher E et l'attend en bas de chez lui dans l'étroit chemin de la Forêt. L'Espace est attelée d'une remorque fraîchement achetée et qui permettra le transport de matériel ou déchets encombrants. Les problèmes commencent quand une voiture arrive en face et souhaite passer. G bloque le passage et doit faire marche arrière mais il sait, car on lui l'a dit, que ce n'est pas facile avec une remorque. Il commence à reculer très lentement, causant l'énervement de l'autre conducteur (en fait une conductrice qui s'avérera charmante et gentille) qui klaxonne car il ne voit pas la remorque. G, pris par le stress, commet l'erreur à ne pas faire et accélère un peu, ce qui fait tourner la remorque et G la percute avec son aile arrière. "-Merdre!" s'exclame-t-il en espérant que le juron pourra l'aider à sortir de ce mauvais pas. C'est à ce moment que, comme par enchantement, son ami J-L, un autre habitué des Bragades et voisin d'E, sort de chez lui à vélo. G le hèle et lui demande de l'aider. Pendant ce temps, le klaxon de la voiture en face résonne de plus belle. Heureusement, les coups de klaxon davantage que la petite voix de G font se retourner J-L, qui revient en arrière. Il décroche tout simplement la remorque, ce qui permet à G de dégager le passage. J-L file dans un grand éclat de rire, pressé qu'il est de prendre le train pour en découdre sur ses patins avec de jeunes athlètes dans un semi-marathon à Zurich. Après un petit moment, E appelle G et lui demande où il est. "Bin, en bas de chez toi, je t'attends". Le pauvre E attendait également en bas de chez lui, mais de l'autre côté. Ce début de journée un peu hésitant ne laisse pas augurer d'une journée très productive, mais ils prennent la route le coeur léger comme la remorque.

Ils passent d'abord dans un magasin de bricolage pour des pieux, une masse, une pince coupante à ceps, et surtout la pièce cassée de la débroussailleuse. Ils arrivent aux Bragades à 10h30 et G montre à R la pose de l'OSB, faite quand E était en vadrouille à Grenade avec sa douce moitié. Après un petit café, ils attaquent ensuite directement les travaux. "Simples et répétitifs!". R avait donné des indications sur ce qui pouvait être fait, et une des tâches était la démolition de la vieille cabane à chèvres. E n'hésite pas une seconde. Il saisit la masse et la projette violemment de tous les côtés après avoir pris soin d'enlever les portes vitrées et les fenêtres. Mais la masse ne permet pas toujours de progresser. La scie à bois (manuelle) est initialement mise à contribution pour sectionner des poteaux porteurs.Très rapidement, ils réalisent qu'ils ont besoin de la tronçonneuse, en particulier quand il faut attaquer les poutres du toit en tôle. La tâche est ardue car il faut soulever au pied de biche tous les points d'attache, le plus souvent des clous. Or s'ils parviennent à extraire ces clous en soulevant la poutre, ils réintègrent sournoisement leur logement initial lorsque la poutre est relâchée. E a l'idée de tordre les clous à coup de massette, une fois soulevée la poutre et ça marche. Finalement, en poussant avec deux longues tiges de bois, ils parviennent à faire coulisser le toit vers le bas qui s'effondre.

Que faire de tout ce bois? E propose de tout brûler, mais G pense que c'est illégal. "-On s'en fout!" dit simplement E. "-On n'a qu'à faire ça discrètement quand il n'y a pas de témoin." G se laisse convaincre, mais de toute façon une une pause s'impose, car ils sont éreintés. Soudain, S la véto vient faire un peu de conversation et examiner la destruction massive dont se sont rendus coupables G et E. Ce dernier l'apostrophe sur un joli cadeau qui pourrait plaire à un étudiant futur vétérinaire. N'aurait-elle pas de vieux livres à débarrasser? Peut-on imaginer un petit stage à l'avenir? E pense en effet à son neveu resté en Bosnie, qui, après avoir frôlé une carrière de footballeur professionnel au Servette FC, s'en est retourné au pays pour des études animalières. "-Bien sûr, tout est possible!" répond la vétérinaire. De son côté, elle demande si elle peut récupérer un des deux poêles pour bénéficier du subside "Fonds air bois" mis en place dès 2017 pour encourager le remplacement de ceux qui ne sont pas aux normes. "On m'a dit que l'économie est de 50%! Mais il faut se dépêcher car le délai des demandes est au 30 juin!" "-Mais oui, faites-vous plaisir." répond G qui du coup se demande s'il ne pourrait pas en bénéficier lui aussi. Vérification faite plus tard, cela ne concerne que les résidences principales.

Elle demande encore si un voisin peut venir chercher du bois de la cabane détruite pour son chauffage. Quelle aubaine! "-Mais et comment! Qu'il vienne! S'il a besoin d'une remorque, j'en ai une." lui répond G.

S se fait taquine: "-J'ai vu que la Safer vend une bambouseraie,... ça ne vous intéresse pas ? Hahaha!" Après son départ, R et G séparent toutes les tôles et les empilent pour une future évacuation à la déchèterie.

A midi, ils vont manger, et E choisit le double burger pendant que G jette son dévolu sur une belle salade d'été.

L'après-midi, le soleil cogne. Pour la structure du toit, ils décident de scier d'abord tous les chevrons du côté bas de la toiture. La poutre porteuse est ensuite facilement dégagée. C'est un peu plus technique pour la poutre porteuse du côté haut de la toiture, mais au final, elle finit également par céder et toute la structure gît piteusement sur le sol. Il reste les piliers, bien vivants dans le temple de la nature. Les paroles sont un peu confuses et tant E que G se sentent observés par des regards familiers.

Ces satanés piliers doivent être secoués dans tous les sens, bêchés, piochés, pour être finalement arrachés comme des dents aux racines tenaces. Même des guêpes fastidieuses s'en mêlent et viennent squatter leur sommet, ne facilitant pas la tâche d'extraction. G et R ne comprennent pas cet attroupement et pensent qu'il y a un nid. Après quelques rapides incursions d'éclaireur, il semble qu'il n'y ait aucun nid, mais E et G ne sont qu'à moitié rassurés et adoptent un comportement prudent, c'est-à-dire en multipliant les pauses.

Finalement, E trouve la bonne technique. Il prend la hache et fend violemment les piliers pour en séparer les moitiés. Cela permet de mieux les faire balloter et l'extraction s'en trouve grandement facilitée. Il reste un dernier pilier, mais c'est le plus pernicieux et s'accroche comme une patelle sur la roche. Il faut encore piocher et bêcher, et il finit par céder enfin.

Les deux hommes sont éreintés, à plus forte raison E qui a passé la veille à transporter des meubles pour sa nièce. La motivation flanche et G propose de mettre de l'ordre dans le garage pour y ranger la remorque. Une petite tâche simple et peu pénible dont ils s'acquittent rapidement.

E, grand romantique devant l'Éternel, prend encore un joli bouquet de roses des Bragades pour sa femme, qui sera aux anges. Le soir, G accepte l'invitation chez E qui l'accueille avec une partie de sa famille sur la terrasse. G a amené un bon petit rôti mijoté qui sera agrémenté des succulentes patates aux beurre de leur fille Y.

Ils seront rejoints par leur voisin B, qui souffre comme G des terribles pollens de cette fin de semaine. Il est devenu expert dans la fabrication des merguez, alors rendez-vous est pris pour un stage initiatique!

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