#Pasdevague

Le matin du samedi 16 février, c'est exceptionnellement R qui passe embarquer G car il doit accompagner sa fille V à la gare où elle a rendez-vous pour un camp de ski à Chandolin.

Les deux sociologues déguisés en couple gay amenant leur fille putative ou biologique peuvent faire de nombreuses découvertes sur les jeunes milléniaux. La première est qu'ils ne sont pas si différents des générations précédentes, à peine si l'on décèle quelques variations vestimentaires et technologiques (le smartphone, les skis au profilage parabolique...). La seconde est qu'ils n'aiment pas que l'attention se braque sur eux, mais ce malaise était déjà bien présent chez les anciennes générations sauf peut-être celle de 1968. Ainsi, V se prête-t-elle un peu à contre-coeur au jeu des portraits-photos avant le départ, et montre à peine son soulagement quand R et G s'en vont bras dessus bras dessous prendre un café-croissant à la gare.

Sur la route, ils font l'erreur de prendre l'A40 et ils se retrouvent coincés dans les bouchons puisqu'évidemment c'est les vacances. Heureusement, l'attente n'est pas trop longue et ils arrivent aux Bragades sur le coup de 9h30.

Ils peuvent admirer le poêle Austroflamm qui est imposant et plus volumineux qu'anticipé. Il n'est cependant pas encore en état de fonctionner, car il manquait une pièce à l'installateur qui doit revenir la poser.

Quoi faire? Ils décident de préparer les logements des portes pour le menuisier. Ils arrachent le cadre de porte dans le living donnant sur la pièce no 1. Une partie du cadre sera récupérée pour réparer le panneau vermoulu et fracturé dans le passage de l'autre pièce. Tous les outils sont mis à contribution: ciseau, ponceuse vibreuse et ponceuse ruban, scie à bois, visseuse, et naturellement de la colle à bois.

A midi, le Saint-Clair est toujours mal servi par le couple espagnol, qui rechigne à accueillir des clients, sans réservation. Quand R pointe une table vide pour deux, il ne sait plus quoi faire, car il y manque une chaise et préfère les faire attendre en attendant qu'une solution tombe du ciel. Alors, ils empruntent une chaise sur une table voisine et vont s'installer. Il est rare de voir un serveur aussi inefficace, qui s'épuise en courant dans tous les sens et finalement accomplissant bien moins que sa tendre compagne, pourtant enceinte jusqu'au gosier.

"- J'ai tout préparé à l'intérieur depuis tôt ce matin et les gens veulent tous être sur la terrasse!" s'exclame-t-il pour expliquer le mauvais sort qui s'abat sur lui. "C'est vrai qu'ils avaient annoncé beau et chaud" tente G avec la fameuse contrepèterie belge visant à lui suggérer que des prévisions météo existent justement pour que les commerçants puissent mieux planifier leurs affaires.

Après une demi-heure, ils parviennent à grande peine à se faire fournir une carte, où ils prennent sans enthousiasme des gambas. "Avec quelle garniture?" demande-t-il les veines des temples au bord de l'anévrisme. "Pour moi, frites et salade"... "et pour moi, pommes de terre et salade". "Non, non!" interrompt-il. "vous devez me dire "A, B, C ou D, regardez la carte!" G et R obtempèrent et ne cessent de s'étonner que le restaurant n'ait pas encore fait faillite, comme d'ailleurs le Richemond selon toute apparence. Les gambas seront horribles, gras et brûlés, et tous deux se disent qu'après tout, pour à peine plus, et à peine plus loin, ils peuvent déguster les bons petits plats préparés et servis avec amour par le couple du Fin Gourmet.

L'après-midi, ils décident de fabriquer les tablettes pour les embrasures de fenêtres. Par chance, ils trouvent dans le garage des restes d'une ancienne table en noyer qui fait parfaitement l'affaire. Pendant que G rabote le vieux joint en acrylique, R fabrique la tablette à l'aide d'un chablon en carton.

Ils posent également un cache sous la porte-fenêtre de la salle à manger, qui les occupent un petit moment tant la fixation avec des vis est problématique en raison de l'abondante mousse expansive avant de toucher la pierre.

Ils fixent encore quelques plinthes et repeignent patiemment le placo de la chambre à coucher avant de rentrer.

Le soir, ils dégustent ensemble les lasagne à la napolitaine (ajout de ricotta, œux et parmesan). Les tomates en boîte sont de la marque Cirio, celles qui contiennent le plus de lycopènes d'après le "Bon à Savoir", davantage même que les Naturaplan bio de la Coop. Mais alors la question se pose, vaut-il mieux consommer des solanacées bio qui empêchent d'attraper le cancer mais qui contiennent peu de lycopènes pour le combattre, ou l'inverse ?

Après un dessert au chocolat bien bourratif, quelques bonnes rasades de whisky japonais rafraichi aux granit du Val Calanca, ils se penchent avec le peu de contenance qui leur reste sur le devoir de français de N, bien plus motivée d'aller défiler en béquilles avec Greta Thunberg que de rédiger une dissertation sur Nadja et le Passage du Poète.

Et bien, après moult relectures attentives de la consigne, les seniors sont bien empruntés et se disent qu'après tout, s'il y a bien une différence, c'est que cette génération n'a vraiment pas de chance avec les profs de français!

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